« La Rochelaise », première société de gymnastique dans la cité Rochelaise

En 1870, La France vaincue par des Prussiens rudes et courageux au combat. Le traité de Francfort l’ampute de l’Alsace et de la Lorraine. L’analyse de la défaite est sans concession. La responsabilité du revers de Sedan est attribuée à la mauvaise santé physique de sa jeunesse et à la quasi-absence de société de gymnastique et de préparation militaire. (36 en France contre 250 en Prusse) L’état républicain encourage donc ces pratiques et la création de société civiles et conscriptives fédérées par la seule Fédération existante l’Union des Société de Gymnastique de France (USGF).

Les autorités militaires soutenues par les pouvoirs publics exacerbent l’esprit patriotique et revanchard, en clamant haut et fort : « Formons les cœurs et trempons les caractères ! » L’ordre viril, l’honneur, le respect de l’autorité et de la discipline sont les valeurs de référence pour le seul pôle valorisé par la IIIème République…

Le but avoué est clair : Régénérer et former des hommes forts, capables de reconquérir l’Alsace et la Lorraine.

Dans la cité rochelaise, la forte présence de famille alsacienne protestantes, dépouillées de leur terre annexée, dans les institutions municipales orientera les choix politiques dans la droite ligne des impulsions gouvernementales. Avant la guerre de 1870, Emile Delmas, d’origine alsacienne et futur maire de la cité, avait connu à Mulhouse Ferdinand Kuentz, alors professeur de gymnastique au collège de cette vile et conserva avec cet homme de caractère des relations de courtoisie. Le lycée de La Rochelle nanti d’un gymnase, Emile Delmas insista auprès de Kuentz afin qu’il sollicite une nomination à La Rochelle. En août 1872, Kuentz quitte son Alsace envahie pour la Côte atlantique et occupe dès la rentrée, le poste de professeur de gymnastique au Lycée municipal et à l’Ecole normale de garçons de Lagord.

Fort de certitudes quant aux effets bienfaisants d’une préparation gymnique et militaire sur le modèle prussien, son unique préoccupation dès son arrivée en Aunis sera de partir en croisade dans les écoles municipales, sensibiliser les jeunes scolaires à la bonne tenue militaire et au devoir du citoyen… Dès 1873, il obtient du maire Emile Beltremieux une salle aménagée dans la Cours supérieur de Bonplan, et entouré d’un noyau d’élèves, il développe la pratique gymnique qu’il considère comme le vecteur prioritaire du redressement national. Pour élargir son champ d’action, un support institutionnel apparaît très vite comme indispensable. Ce sera la société « La Rochelaise » fondée en 1873 et homologuée deux années plus tard, le 17 novembre 1875, sous le numéro de 31 dans la liste des sociétés fédérées par l’USGF. Paul Dylon en est le premier président. La devise de la société est on ne peut plus explicite : 

  « Faire bien, ne craindre rien ».

Ferdinand Kuentz draine toute une frange collégienne de la petite bourgeoisie et des classes moyennes ainsi que de jeunes ouvriers qu’il initie à la gymnastique, à la boxe, à la canne, à l’escrime, au maniement des armes et à la musique. Ce missionnaire étend ses interventions aux écoles communales et quartiers populaires périphériques de la ville, toujours avec succès. On le voit partout! Trois dirigeants de « La Rochelaise » siège au Conseil municipal et les élus encouragent cette instruction militaire sous-jacente par la mise à disposition spontanée de structures d’accueil (gymnase, salle de fêtes, Champ de Mars) et l’attribution de subventions exceptionnelles pour l’achat de fusils scolaires.

Les défilés au nom du clairon et les sorties en armes se multiplient dans les rues de la cité et « La Rochelaise » jouit d’une image de marque à la mesure du dynamisme de son maître.

En 1880, au moment où la loi George rend la gymnastique obligatoire dans les établissements d’instruction publique de garçons, toutes les écoles de la République rochelaise comptent un gymnase; Ferdinand Kuentz et ses moniteurs interviennent dans tous les niveaux de l’organisation scolaire : Lycée, Ecole normale, Cours supérieurs, Ecole communales de la ville et de sa périphérie; et la société civile « La Rochelaise » compte 230 membres actifs. Kuentz connaît le suprême honneur d’être désigné par l’USGF  » moniteur général » de la fête fédérale de gymnastique organisée à La Rochelle, les 16 et 17 mai 1880 – fête qui réunira 500 gymnastes sur le Champ de Mars !

En 1885, Kuentz contribuera activement à la fondation de « l’association des Gymnastes des deux Charente » qui fédère les volontés patriotiques régionales tout en uniformisant l’approche méthodologique. A la gymnastique statique, aux acrobaties et au maniement des armes, on ajoute dans la panoplie du futur soldat la pratique du tir et la marche de fond. Force, discipline et obéissance seront dès lors complétées par l’adresse et l’endurance. Les Prussiens n’ont qu’à bien se tenir s’ils veulent garder l’Alsace et la Lorraine…

En cette année 1885, trois élèves normaliens de Kuentz obtiennent le certificat d’aptitude à l’enseignement de la gymnastique, et si la société compte 247 membres, elle est dorénavant nantie d’enseignants diplômés qui pourront poursuivre la régénération et la formation harmonieuse du corps et du caractère. Le 26 août 1885, la première fête régionale de gymnastique mobilise 12 sociétés, ce qui reflète la vitalité du courant gymnique. Quatre ans plus tard, l’inauguration fastueuse du port de La Pallice par le président de la République Sadi Carnot en août 1890, sera l’occasion d’une fête éclatante regroupant 400 gymnastes sur le Champ de Mars.

Pour « La Rochelaise », le sommet de la courbe de progression est atteint.  A partir de 1892, les effectifs stagneront puis diminueront inexorablement. Le courant des sports athlétiques plus ludiques et plus hygiénique initié par Pierre de Coubertin porte l’alternative à l’ordre viril et la discipline spartiate du courant gymnique.

Jean-Michel Blaizeau

En 1889 un autre club fut créé à La Pallice sous le nom de « La Fraternelle ».
En 1941 les deux clubs fusionnent pour adopter un nouveau nom 17 ans plus tard « La Rochelaise et La Fraternelle Réunies »